mardi 28 février 2017

AR STIVELL

Ar Stivell. Où est le robinet ?

D'un bout à l'autre du pays des équipements, des institutions, des notables élus ou non dysfonctionnent, ou ne fonctionnent pas du tout. Alors on commence par être perplexe, puis on pose des questions, et des "éléments de langage" nous sont servis comme réponses. On se sent frustré mais on finit par s'en contenter, on s'habitue, on devient fataliste et/ou défaitiste. "Mod-se ma an traou ! " ou "Petra vo graet ? " ( Les choses sont ainsi ! Que sera-t-il fait ? au sens de on n'y peut rien, en breton ).
Mais revenons à la commune ( nouvelle, car Guipronvel et Milizac ont fusionné ) et à l'eau. Si vous posez la question aux habitants, Ar Stivell c'est quoi ?, la grande majorité et peut-être bien la totalité des interrogés répondront, c'est la mairie ! Et si vous répliquez, oui mais encore ?, on restera muet et perplexe, sauf peut-être quelques bretonnants. Car il faut le savoir "ar stivell" signifie la source (jaillissante) !
En 2004 la nouvelle mairie a été ainsi nommée pour symboliser, entre autre, le souci de garantir un approvisionnement en eau indépendant sous régie pour la commune, de veiller à la préservation de notre eau souterraine. D'ailleurs les différentes salles de l'édifice portent les noms des ruisseaux qui drainent notre territoire. Et une construction du genre sculpture abstraite occupe le côté ouvert de la cour intérieure de notre nouvelle mairie. Un jet d'eau aurait dû jaillir ( source jaillissante ) au milieu de cette construction, entre les lames de schiste ardoisier. Ce n'est pas le cas. Et qui se souvient de l'avoir jamais vu jaillir ?
Alors n'y-a-t-il pas là un certain paradoxe ? Notre maison commune porte un nom symbolique mais qui n'est qu'un mot dénué de tout sens pour de nombreux habitants. Le symbolisme de l'appellation est donc PERDU !
Ce faisant on s'habitue à prononcer des mots qui ne servent plus qu'à désigner, qui ne font plus sens. Exactement comme ces noms de lieux ou de personnes qui eux aussi ne servent plus qu'à repérer et désigner. Et qui peuvent être déformés à la longue comme le "Croissant" pour Kroas Hent ( carrefour ) ou "Le Nestour " pour An Eostour (le moissonneur ). Et que dire de "Rose des Vents" pour Roz Avel au vu et au su de bretonnants. Le provençal Pierre Maille, à l'époque Président du Conseil Général du Finistère, en avait même exprimé son étonnement. Il se  souvenait avoir déjà rencontré un "roz" au Pays Bigouden qui " avait un autre sens". Rappelons que le sens de base de roz est "tertre"  (jean-Marie Plonéis - La Toponymie Celtique. L'origine des noms de lieux en Bretagne ) et désigne  souvent "un terrain en pente couvert de fougère et de bruyère" ( Albert Deshayes - Dictionnaire des noms de lieux bretons ). Avel indique une exposition aux vents comme on peut le constater à "Beg Avel" à Milizac, lieu élevé venté.
A force de détacher des termes de leur sens par un usage négligeant ou ignorant, mais souvent facilement corrigible - dans le cas de Ar Stivell, il suffirait de rectifier le tuyau et le circuit  et d'ouvrir le robinet - on finit par pratiquer un langage approximatif et trompeur qui véhicule malentendus et discordes sans fin. Car si en breton ça peut paraître anecdotique, en français c'est catastrophique ! Il suffit d'écouter les propos de responsables politiques ou de citoyens en ce moment. Quand on nomme ou qualifie de manière approximative, exagérée ou erronnée on ne se comprend plus, on ne s'écoute plus, le non-sens s'installe et le pire devient possible !