lundi 17 janvier 2011

A Kerouzien avant l'adduction.



Témoignage de Yves LOUARN de Kerouzien.

Yves est né le 10 décembre 1926 à la ferme de Kerouzien. Il s’est marié en 1953 et a pris la ferme en cohabitation
avec ses parents. Sa maison actuelle à proximité de la ferme date de 1973 et celle de la ferme, dans laquelle vit son fils, actuel exploitant avec son épouse, date de 1860. C’est son arrière grand-père qui l’a construite. Il venait d’une autre petite ferme à Kervern, dont il n’était pas propriétaire, et était originaire de Bourg-Blanc. Auparavant Kerouzien faisait partie des terres du château de Kerjean.Heureusement pour son arrière grand-père, la famille Fagon
de Kerivot n’avait pas, semble-t-il, été informée de la mise en vente ; sinon elle l’aurait « raflée ».
Elle contenait environ 20 hectares et a fonctionné avec cette superficie jusqu’en 1973. Un achat de 11 ha, dont 4 de prairies, a pu se faire alors.

On a procédé au drainage des parcelles humides en 1975. Quasiment toutes les prairies de Milizac ont été concernées. Toute la zone entre Kerivot et Le Lann a été transformée à l’époque.
Quelques fossés de drainage ont été creusés dans les prairies de Kerouzien, mais les résultats n’ont pas été probants car il y avait trop de sources.Selon Yves ce drainage systématique avec élargissement des ruisseaux a été une erreur car la circulation de l’eau était devenue trop rapide.
Yves se souvient de pêches fructueuses dans le ruisseau pendant la guerre : 60 truites en deux dimanches au mêm
e barrage !
Il se rappelle aussi de l’utilisation de produits chimiques, par exemple le « HCH », un insecticide radical contre le taupin et autres ; pas de patates pendant 10 ans après usage. Il y avait le « colorant nitré », un herbicide très virulent. A ce sujet Yves pense qu’il existe des cancers dans la commune liés aux traitements sans protection suffisante.
Autre souvenir des années 70/80 : le paysan « faillitaire » promu technicien agricole parce qu’il avait quelques diplômes et qui venait ensuite conseiller ses anciens collègues !
La famille Louarn possédait 5 ou 6 chevaux, dont une jeune pouliche, en 1951, lorsque le premier tracteur a été acheté entre deux. C’était un semi-diesel suédois de marque « Bolinder », à deux cylindres développant 20 chevaux. C’est l’entreprise Donval de Lesneven qui l’a vendu. Presque tout de suite un des cylindres a été défaillant. Un technicien mécano est venu de Morlaix, ou peut-être de plus loin. Sa première question en arrivant a été : « Où est-ce qu’on peut bien manger ? ». Il a quand même réglé le problème : un injecteur avait été monté à l’envers !
La charrue qui équipait ce tracteur n’avait qu’un soc et les chevaux ont continué à être utilisés.
On utilisait deux
charrues à chevaux, l’une pour la croûte de surface (« c’hiker ») et l’autre pour trancher plus profond (« tumper »). Ensuite il y a eu le brabant.
Il y avait un puits à la ferme quand elle a été achetée, profond de 14 m. Son eau servait pour les humains et les chevaux. Il n’était pas à l’abri des infiltrations de purin car une crèche a longtemps existé à côté.Les vaches allaient par un « ribin » au ruisseau à 1 km. Au retour de l’abreuvoir elles buvaient encore dans une mare qui recevait aussi un écoulement de purin ; pourtant Yves n’a aucun souvenir de problèmes, les vaches vivaient vieilles. Les Louarn possédaient 12 vaches en 1953 et élevaient quelques cochons. Le surplus non consommé sur place était vendu aux halles de St Renan.. Les petites fermes de Coat ar Guever conduisaient leurs bêtes au ruisseau à Stang al laer (ou ler). Peut être « ler »=cuir plutôt que « laer »=voleur, car il y aurait eu une petite tannerie de peaux à cet endroit du ruisseau.

Pas loin il y a le hameau de Lervir qui fait aussi référence au cuir. A Pont Cléau il y avait aussi un tanneur/trappeur de taupes (Youenn Pellen) installé dans une cabane. Yves garde le souvenir de l’odeur forte quand il passait pour aller à l’école du bourg.
Autrefois un moulin aurait fonctionné sur le ruisseau en contrebas de Kerouzien. Le chemin- charretier actuel qui mène aux champs côté Kernogant utilise ce qui pourrait avoir été sa chaussée-digue.
A Kerouzien une citerne d’environ 1000 l a été construite pendant la guerre, en 43 ou 44, pour la maison. Un robinet sur évier a été installé alors. Elle ne s’appuyait pas contre le mur de la maison pour éviter l’humidité. Elle a été faite avec du ciment subtilisé aux Allemands. Le livreur français a échangé des sacs de ciment contre de la viande de porc et du beurre surtout ; c’était le troc. Yves et son père ont déchargé une fois du ciment dans le camp allemand et ont prélevé quelques sacs pour eux-mêmes
La lessive hebdomadaire avait lieu au lavoir de Kergaouren, à Gwaremm ar Feunteun, à 1 km. On s’y rendait le lundi habituellement avec la charrette. Un foyer était installé à côté pour faire bouillir la lessiveuse. Trois familles utilisaient ce lavoir. Des laveuses du bourg se louaient également dans les fermes.
Une machine
à laver a été achetée en 1956 après la venue de l’électricité. Pour l’essorage il y avait des rouleaux en caoutchouc actionnés par une manivelle.
Les gens de Kergaouren venaient chercher de l’eau à la fontaine l’été avec une barrique, car leur puits était défaillant.Après avoir très longtemps

fonctionné avec une manivelle, le puits de Kerouzien a été équipé d’une pompe électrique dès l’électrification, en 1954.
On pouvait obtenir une subvention pour la pompe électrique ; mais il fallait justifier que l’eau du puits était potable. Une première analyse à la pharmacie a indiqué que l’eau du puits n’était pas correcte ! Alors on est allé prendre de l’eau potable à Kernogant pour le contrôle et la subvention a été obtenue !




C’est qu’on ne manquait pas d’imagination avant ; par exemple, selon Gabriel Louarn son père, le Conseil Municipal avait inventé un faux devis de fenêtre brisée réparée pour se payer le restaurant après la séance du budget !L’eau du puits est encore pompée, pour laver la salle de traite par exemple. Il y a eu une première salle en 1964.
Le puits est maçonné, mais peut être pas jusqu’au fond (14 m) ; Yves n’y est jamais descendu. Il a été creusé d’un mètre supplémentaire avant 1978, année de mariage de son fils, et busé. Une pompe flottante a été installée en 1980 par Léost de Plourin. La première pompe avait été placée par Bihan de Plouvien.
L’eau du puits sert aussi aux traitements des champs.

Un projet de « bélier » sur la source de Kernogant a existé. Une douzaine de familles auraient pu être branchées. Un manque d’entente a fait capoter le plan. Un deuxième projet, moins ambitieux, à partir de Gwaremm ar Feunteun, a ensuite été combiné ; mais la dénivellation insuffisante n’a pas permis la réalisation.


Le chemin d’accès à la ferme a été modifié pour aboutir dans la cour, devant la maison au lieu de l’arrière.

Il y avait un excellent poirier (« liber »), très productif, près de la maison. Yves se souvient qu’une fois un type portant un pantalon de golf en avait rempli les jambes !

A Coatéval et La Motte avant l'adduction.




Témoignage de Yvonne Bonnefoy à Lamotte.

Yvonne est née Riou le 14 octobre 1919 à Coatéval. Ses parents y possédaient une ferme de 15 ha. Elle a été pensionnaire pendant 5 ans à l'école Notre Dame des Victoires au bourg de Milizac. A presque 12 ans elle a été reçue au certificat d'études et 8 jours après elle est rentrée à la ferme pour de bon afin d'aider sa mère. Elle était l'aînée de 6 enfants et a donc contribué à élever ses 3 frères et ses 2 soeurs.
Pour la toilette la mère versait dans une bassine l'eau retirée du puits. Avec un genre de gant de toilette elle lavait les enfants. Ils n'étaient pas lavés entièrement bien souvent. Eux-mêmes se débarbouillaient la figure chaque matin et les mains et les bras avec du savon pour chaque repas.
Quand il y avait une grande occasion, les grands dimanches, pour des mariages ou des fêtes, on faisait une toilette plus importante. On prenait une grande bassine, du savon, un gant de toilette et une serviette, et on se retirait dans une grange.Pour les pieds et les jambes c'était assez sou
vent puisqu'on les salissait en trayant les vaches. Yvonne a commencé à traire à 7 ans. L'été les jambes étaient nues et facilement salies par la bouse. En sortant de la traite, matin et soir, on se lavait donc.Pour la lessive il fallait aller au lavoir du ruisseau de Kervern. Sur la berge du ruisseau, au bord du chemin menant à Kernogant, près du premier virage, on avait placé une pierre tombale sur laquelle on battait le linge. On appelait l'endroit "kichen ar poul dour" (à côté de la mare), sans doute parce qu'il était voisin de l'emplacement où on abreuvait les vaches. L'eau était froide car elle ne provenait pas directement d'une source comme pour le lavoir des Trois Curés.
Assez souvent la lessive se faisait en début de
semaine, surtout quand les frères et soeurs étaient pensionnaires. Il fallait que leur linge, qui était cherché le dimanche, soit de retour propre le dimanche suivant. Donc, en cas de mauvais temps, ça se faisait toujours au début de la semaine pour que le linge soit séché à temps et plié dans un panier.
Les frères d'Yvonne ont dû aller à la vieille mairie d'abord parce que l'école St Joseph n'était pas encore construite. Ils n'étaient donc pas pensionnaires mais dormaient au bourg quand même chez le menuisier Joseph Nicolas. Leur mère leur envoyait du beurre et leur linge.

Pensionnaire on ne rentrait à la maison que pour les vacances.Le puits de Coatéval profond de 11m et équipé d'une manivelle et d'un seau était excellent, il ne tarissait jamais. Selon Yvonne il est très ancien. Son eau était bonne toute l'année et on en faisait de la piquette avec des mûres, des prunelles et des glands. On plaçait les bouteilles dans le tas de foin pendant une quinzaine de jours pour que la boisson fermente. Le futur mari d'Yvonne, Laurent Bonnefoy, travaillait à la brasserie de Kérinou à Lambézellec et leur ramenait de la levure de bière pour leur piquette.L'été, un peu par caprice, les gens préféraient boire l'eau de la fontaine de Kernogant. Quand Yvonne et ses soeurs étaient petites on les envoyait avec des bouteilles pour rapporter cette eau. Yvonne se souvient d'avoir cassé une bouteille en tombant et d'avoir été bien grondée.
La fontaine de Kernogant se trouvait au bord du chemin Coatéval/Kernogant, au pied du virage avant la montée vers Kernogant. Les habitants de Kernogant y avaient installé un lavoir aussi.
Actuellement on peut y voir une construction, un abri en ciment qui, bizarrement, ne semble avoir aucune entrée.

Il aurait contenu le mécanisme du captage de la source réalisé par l'entreprise Bihan de Plouvien, quelques temps avant la mise en place de l'adduction dans la commune. Plusieurs fermes du voisinage étaient desservies, à l'exclusion de La Motte.
Les bêtes s'abreuvaient donc en bas au ruisseau de Kervern. Quatre fermes y conduisaient leurs vaches : les 2 Loguellou, La Motte et Coatéval. Il y avait parfois un peu de pagaille lorsque trop de vaches se retrouvaient là ensemble ! L'hiver les bêtes ne pouvaient pas sortir par temps de gel, alors il fallait puiser l'eau du puits. On la leur apportait tous les jours dans les crèches avec des seaux. Toutes les fermes faisaient de même.L'été les vaches broutaient dans les prairies et avaient de l'eau en suffisance dans les ruisseaux. C'était les prairies d'avant la COMIREN qui les a ensuite creusées en les transformant en étangs. Mais Yvonne se souvient qu'une fois elle avait dû abreuver des génisses assoiffées dans une parcelle. Et il lui avait fallu franchir plusieurs fois un champ fraîchement labouré en poussant sa brouette chargée de récipients pleins d'eau. Que de mal !Après son mariage le 18 septembre 1945, Yvonne est venue à La Motte où elle a pris une part active aux travaux des champs. Elle a participé à la plupart des travaux extérieurs, elle a beaucoup conduit les chevaux par exemple "J'en ai fait des kilomètres avec les chevaux, et avec des sabots de bois ! Quand la terre était humide elle collait aux sabots et il fallait souvent les cogner, clac-clac, pour la décoller !" Ensuite elle a pris le volant d'un tracteur.Mais il y avait aussi le travail de la maison, dont la lessive. Il n'y a jamais eu de lavoir en ciment près du puits à La Motte. Tout se faisait au lavoir du ruisseau ou à celui des Trois Curés. Yvonne est donc passée directement de ces lavoirs à la machine à laver en 1969 ou 1970. C'est sa fille Denise qui en a fait l'achat. Mais il fallait chauffer l'eau dans une marmite d'abord.
Le puits de La Motte a été contaminé pendant la guerre de 1914/18. L'arrière grand- père de La Motte était étalonnier, et marchand d'engrais. Deux étalons occupaient la grange juste à côté du puits et il y a sans doute eu infiltration de purin jusqu'à l'eau du puits. Trois personnes ayant consommé cette eau sont mortes de la typhoïde.Excepté cet épisode l'eau du puits ne posait pas de problème, sauf l'été parfois.La famille Bonnefoy n'a jamais installé de pompe électrique dans le puits. Quand il arrivait que l'eau ne soit pas bonne certains étés, Yvonne allait se ravitailler à la fontaine des Trois Curés avec une brouette. Elle transportait jusqu'à 60 l pour la cuisine.Dans les années 50, M. Bonnefoy a trouvé une citerne préfabriquée d'occasion à Brest. Transportée par camion elle a été installée au pignon de la maison pour recevoir l'eau pluviale du toit. Ceci a permis l'ajout d'un robinet sur évier dans la maison. Cette citerne a bien rendu service selon Yvonne.Il y avait 3 sources à Keramoal, avec un lavoir. Le ruisseau est alimenté par ces sources.
A Kervern il y avait encore une source et un grand lavoir pour 8 familles.Aux Trois Curés 4 familles lavaient leur linge au lavoir alimenté par la fontaine.
Il existait aussi plusieurs sources dans les prairies bouleversées par la COMIREN.Un moulin a existé autrefois sur le ruisseau de Kervern là où le chemin vers Kernogant le franchit sur ce qui devait être la chaussée-digue de retenue de l'étang. Un ancien passage d'eau est encore visible sous l'extrémité de la chaussée, côté La Motte.

La parcelle en amont ressemble assez à un ancien étang envasé, tandis qu'un bon dénivelé existe
en aval. Yvonne n'a pas vu ce moulin fonctionner. Sur le ruisseau entre Lervir et Kervenguy, en aval du lavoir de Kervenguy, un autre moulin a fonctionné, selon Yvonne.